Il y a 10 ans, mon livre “Bières, Leçons de dégustation” paraît aux Éditions de la Martinière.
Avec des pages entières sur ” la bière à table et en cuisine”, mon sujet fétiche si vous me découvrez ici.
Un sujet qui avance à n’en pas douter, vu les nombreuses formules du genre ” les accords bières et mets sont devenus tendance”, ou ” associer les bières avec les mets est devenu à la mode” !

La réalité aujourd’hui?
Les restaurateurs accordent en effet davantage d’attention aux bières, en proposant un nombre manifestement plus important de bières à leur carte. Reste à savoir en parler, à savoir les conseiller, les présenter. Et c’est souvent, très souvent, la déception au rendez-vous.
D’où vient cette bière? Je ne sais pas
Cette bière est faite par quelle brasserie? Je ne sais pas
Quelle bière me conseillez- vous avec cette assiette d’huîtres? Une Triple…
3 questions régulièrement posées, 3 réponses quasi identiques.
Ne baissons pas les bras
Il y a de plus en plus de zythologues, de bierologues, donc les choses devraient en principe s’améliorer…Résolument optimiste je reste !
Une des solutions me semble venir des exemples de restaurateurs qui mettent en valeur les bières à leur table, et à leur carte. Ce qui est fait dans chaque numéro de Mordu.
Une des solutions me semble venir des exemples d’accords existants dans certains restaurants. Qui sont également mis en valeur ici, dans Mordu.
Enfin, une solution pour donner des clés aux consommateurs amateurs de bières, ce sont les exemples d’accords. Même si une Pils ne ressemble pas à une autre Pils, même si une IPA ne ressemble pas à une autre IPA, idem pour une Triple, un Stout, une Weizen… le style est un indicateur. Le problème? Les pros du service en salle et en terrasse, comme les consommateurs ne connaissent pas les styles, ou très peu. Ou croient les connaître.
Le sujet est à double détente : donner envie aux pros de la restauration de proposer plus de bières à leurs cartes ET donner des clés, des outils pour les aider à les conseiller et à les vendre.
Ceci est un exemple de carte avec les accords bières et mets suggérés et encore mieux, une petite illustration !

“Je n’en propose pas, ça ne se vend pas”
Cette phrase continue de m’exaspérer, même si avec les années, je prends les choses avec plus de recul. Comment des chefs d’entreprise, des patrons de CHR peuvent-ils être convaincus de la sorte que telle ou telle bière ou tel style de bière ne marchera pas, s’il ne tente pas l’expérience ?
Les pros qui ont essayé n’en sont toujours pas revenus. ” Je n’ai jamais vendu autant de bières”, ” je n’imaginais pas que ça marcherait aussi bien” et encore ” je ne savais pas qu’on pouvait conseiller des bières en mangeant”.
A bas le cliché ” la bière, c’est pas fait pour manger avec”
Parce qu’une omelette avec une Pils, c’est meilleure qu’avec de l’eau. Parce qu’une bavette échalotes avec un Stout, c’est meilleur qu’avec de l’eau. Parce que des moules frites, c’est meilleur avec une Weizen qu’avec de l’eau. Parce qu’un poisson épicé c’est meilleur avec une IPA, une assiette de fromage avec une bière de vigne, et une tarte aux fraises avec une bière torréfiée ou aux fraises…
Des réflexes simples
Tellement simple en effet quand on a essayé. C’est là le truc. Pas d’apprendre par coeur des accords théoriques, de tenter de comprendre pourquoi c’est un contraste, une résonance, une complémentarité. Tout cela est fort intéressant bien sûr. Mais ça ne fonctionne pas parce que les personnes auxquelles on s’adresse n’ont pas expérimenté. N’ont pas testé tout simplement.
Il suffit donc de goûter. Et tout devient plus simple. Une fois que le duo est testé et approuvé, on peut facilement l’expliquer. Et utiliser ces mots de contraste, de points communs, de résonance, de balance…
Perso, j’utilise 3 lettres, A B C.
C’est encore plus simple. On peut même utiliser des mots différents pour chaque lettre.
L’idée est toujours la même :
- jouer sur le même registre entre le plat et la bière
- jouer sur deux registres opposés
- jouer sur deux registres qui se complètent et dialoguent ensemble.
On est en juin, c’est le temps des cerises

- 3 exemples avec les cerises :
🔴 C’est parti pour une glace au chocolat + une bière à la cerise comme la Choulette Cerise ( 59).
🔴 C’est parti pour un clafoutis cerises + un Porter, brune douce et gourmande, comme le Porter Bar Chocolatée de la Brasserie Rodemack (57)
🔴 C’est parti pour un cheesecake spéculoos et coulis de cerises + une bière ambrée caramélisée comme la ChaRgEOise ambrée de la Brasserie La Rente Rouge (70). - C’est parti pour une gaufre tiède et sa chantilly cerise. Pour la recette, rien de plus simple : faites réduire une bouteille de bière à la cerise à feu doux. Une fois le liquide épaissi, laissez refroidir et ajoutez le à la crème que vous utilisez habituellement. Une chantilly toute rosée, une gaufre qui change et qui s’accorde avec une bière acidulée ( sinon trop de sucre !) comme la Flamingo Berliner Weisse de Hoppy Road.
On se retrouve en juillet ?
Élisabeth Pierre
Crédit photo : Quaritsch Photography