Son nom résonne dans toutes les têtes des passionnés d’histoire de la bière. Son blog,”Zythophile”, est une mine d’informations depuis des années. Inlassable déconstructeur de nombreux mythes sur la bière, infatigable chercheur d’archives, d’articles, il laisse un phénoménal héritage historique sur les styles anglais et ceux des autres pays.
Chercheur et historien
Je me souviens avoir découvert Martyn Cornell à la lecture de son livre “Amber Gold and Black: the History of Britain’s Great Beer Styles”dans les années 2000. Une révélation. Depuis, sa lecture autant de ses livres que de ses articles nourrit ma passion, et m’aide sans commune mesure dans ma transmission en formations et en écriture.
Voici un de mes livres préférés de Martyn Cornell, parmi mes livres de chevet.
Porter & Stout
S’il faut choisir un sujet parmi d’autres, c’est celui des Porters et des Stouts que je conseille. Et sa disparition quelques jours avant la parution de son livre ” Porter and Stout: The Complete History”donne un relief particulier à ce sujet qu’il affectionnait par dessus tout.
Ce livre, il y travaillait depuis plus de 7 ans, l’avait commencé en juin 2018,et avait annoncé la date de sa sortie sur son blog, le 4 juin de cette année.
Mythes et réalités
C’est toujours compliqué de déconstruire des mythes, dans le sens où ce sont soit des idées reçues, soit des histoires entretenues, répétées et déformées, qui ont valeur de vérité. En histoire comme dans d’autres matières, les mythes au sens de “contre vérité” ont la vie dure. Et particulièrement dans la bière. Où il faut bien reconnaître que le nombre d’historiens est limité.
Voici un de mes livres préférés de Martyn Cornell, parmi mes livres de chevet.
En France, nous avons eu la chance d’avoir un des plus grands historiens et spécialiste de la bière, Philippe Voluer. Il me manque terriblement, en ami toujours présent à chacun de mes appels pour des questions liées à l’histoire de la bière, en spécialiste et historien pour la profession brassicole toute entière. Aujourd’hui, parmi les jeunes brasseurs, qui connaît son nom ?
Il est pourtant à l’origine du Musée de la Bière de Stenay… Et a tant écrit.
Il faut lire Martyn Cornell
Au delà des mythes et des idées reçues, comme l’hymne à Ninkasi, l’histoire du Lambic et de la Gueuze, ou celle du Porter et du Stout, il y a derrière l’historien et le chercheur, le dégustateur.
J’ai lu un jour à mes débuts d’indépendante un article de Martyn Cornell sur la façon de convertir des personnes à la bière, en partant du vécu de son expérience avec Henrietta Lovell, grande dame du thé en Angleterre. Un article où il raconte la réaction de la dame en dégustant un Porter : “Wow, that’s really good … It’s like nothing I’ve ever had before … it’s really deep, completely multidimensional … I’m amazed at the complexity. There’s no level of complexity missing in this that you would get in a wine. This has been around since 1717 and yet I didn’t even know it existed. To have a fizzy pint of something industrial instead of this – it’s a tragedy.”
Wow, c’est vraiment bien … Ça ne ressemble à rien de ce que j’ai jamais eu auparavant … c’est vraiment profond, complètement multidimensionnel… Je suis étonné par la complexité. Il ne manque aucun niveau de complexité dans cela que vous obtiendriez dans un vin. Cela existe depuis 1717 et pourtant je ne savais même pas que cela existait. Avoir une pinte pétillante de quelque chose d’industriel au lieu de cela – c’est une tragédie.
Et Martyn Cornell de conclure
“So how does the beer world reach out to the likes of Ms Lovell, seekers after excellent taste experieneces but innocently unaware of the miracles that can be found in hops and malt. How can we convert them to the idea that complexity is not to be found only in a wineglass, and beer does not have to be one-dimensional fizz? What sort of evangelical effort should be made to open their mouths, and thus their eyes? Are there enough tastings being organised, enough roadshows, enough side-by-side beer versus wine challenges, enough occasions where food and wine buffs gather and beer, too, is presented as an equal partner at the table? Judging by the time it’s taken for Ms Lovell to realise how good beer can be, no. Is it so, craft beer brewers and craft beer retailers: are you reaching out to the unconverted enough?”
Alors, comment le monde de la bière tend-il la main à des personnes comme Mme Lovell, qui recherchent d’excellentes expériences gustatives mais ignorent innocemment les miracles que l’on peut trouver dans le houblon et le malt. Comment pouvons-nous les convertir à l’idée que la complexité ne se trouve pas seulement dans un verre de vin, et que la bière n’a pas besoin d’être un pétillement unidimensionnel ? Quelle sorte d’effort évangélique devrait être fait pour ouvrir leur bouche, et donc leurs yeux ? Est-ce qu’il y a assez de dégustations organisées, assez d’expositions itinérantes, assez de défis bière contre vin côte à côte, assez d’occasions où les amateurs de nourriture et de vin se rassemblent et où la bière, elle aussi, est présentée comme un partenaire égal à table ? À en juger par le temps qu’il a fallu à Mme Lovell pour réaliser à quel point la bière peut être bonne, non. Est-ce vrai, les brasseurs de bière artisanale et les détaillants de bière artisanale : vous adressez-vous suffisamment aux non-convertis ?
Je ne remercierai jamais assez Martyn Cornell d’avoir écrit ces mots. C’est aussi grâce à lui que j’ai décidé il y a maintenant 15 ans de poursuivre ce métier de zythologue. Que j’ai choisi de m’adresser aux personnes qui ne connaissent pas la bière, les goûts des bières et les styles. En priorité. Qu’un grand spécialiste comme lui partage une expérience semblable à celles que je vivais à mes débuts, a joué un rôle considérable dans ma décision de persister dans cette voie. Celle de donner des étoiles dans les yeux des gens, à mon petit niveau de zythologue.
Élisabeth Pierre
